Zoom sur : la crise des obus

S’il y a bien quelque chose donc la France est fière d’un point de vue militaire avant même son entrée en guerre en 1914, c’est bien son canon de 75mm modèle 1897, joliment surnommé le 75. S’enthousiasmer pour un canon, en voilà une curieuse idée ! Et pourtant, la presse n’a de cesse de chanter les louanges de cette arme présentée comme révolutionnaire, afin de bien montrer aux ennemis du pays que, gare, on les attend de pied ferme !

Mais alors, qu’a-t-il de révolutionnaire ?

Pour faire simple, à l’époque, les canons ont presque tous le même défaut : lorsque l’on tire, ils reculent. Il faut donc les remettre en position et refaire tous les réglages avant de pouvoir tirer à nouveau correctement. C’est là que le 75 se montre révolutionnaire : grâce à un système de frein hydraulique, ce n’est pas le canon qui recule, mais juste le tube ! Qui vient se remettre doucement dans sa position d’origine, prêt à tirer sans avoir à le remettre en place ou refaire les réglages. On peut donc tirer particulièrement rapidement avec, comme le montre la vidéo ci-dessous :

Oui mais voilà, canon révolutionnaire ou non, il lui faut des obus ! Et les obus, ça coûte de l’argent.

Avant la guerre, les réserves d’obus varient : en fonction des ministres et des polémiques, on avise. Faut-il plus d’obus car un conflit gronde ? Ou faut-il réduire la production car tout cela coûte cher ? Chacun a sa propre politique. Mais à partir de 1911, la production d’obus va doucement augmenter suite au Coup d’Agadir, un incident diplomatique avec l’Allemagne au sujet de l’administration du Maroc. Les Français, inquiets quant aux ambitions de Guillaume II, préfèrent s’assurer être prêts en cas de guerre.

Mais cela ne suffira pas !

Car aucune des puissances n’a anticipé la nature du conflit à venir. Grand nombre d’obus ne sont pas conçus pour détruire des tranchées mais pour exploser en délivrant une pluie d’acier au-dessus de troupes progressant à découvert, et dans tous les cas, personne ne pense que la guerre sera longue. Après les premiers mois de la guerre, les réserves diminuent donc de manière inquiétante, en France comme en Allemagne ou en Angleterre. L’armée française tente donc d’économiser ses munitions et d’augmenter la production coûte que coûte, alors qu’en Angleterre, la crise des obus, ou shell crisis devient une crise nationale qui provoque l’apparition d’un Ministry of Munitions en charge de ces questions.

C’est ce besoin crucial en munitions qui va amener de nombreuses usines à se reconvertir et à faire appel à la main d’oeuvre des femmes : les fameuses munitionnettes.

Pour conclure, une petite image : vous pensez que j’exagère quant au culte du 75 ?

Je vous laisse avec cette splendide carte postale.

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