Contrairement à ce qu’Aline apprend gare de l’Est des soldats qui reviennent du front, en 1915, le lance-flammes n’est pas une « nouvelle arme ». C’est en fait une triste redécouverte.
On retrouve en effet traces d’utilisations d’armes projetant du feu dès le IXe siècle avant notre ère. Qu’il s’agisse de flèches enflammées ou de pots à mèche contenant des substances inflammables, l’objectif est toujours le même : porter le feu chez l’ennemi, déclencher des incendies et l’obliger à quitter ses abris. Mais nous sommes encore loin du principe du lance-flammes, que l’on retrouve pourtant déjà au VIIe siècle de notre ère chez les Byzantins. Alors appelée « feu grégeois », cette arme fonctionne à l’aide d’un siphon qui permet d’envoyer un jet de feu sur l’ennemi. Et est donc très populaire au sein de la flotte byzantine, puisqu’elle permet d’incendier en quelques instants les vaisseaux ennemis. Plus terrible encore pour les marins pris sous son tir, il paraît impossible d’éteindre le brasier avec de l’eau, qui ne ferait qu’aggraver les choses, si l’on en croit les récits qui nous sont parvenus. Finalement, le feu grégeois est un secret si bien gardé par les Byzantins… qu’il est perdu et qu’aujourd’hui encore, on ignore exactement le fonctionnement de cette arme.

Le principe du lanceur de feu réapparaît en Allemagne au début du XXe siècle, avec toujours cet objectif d’incendier les défenses de l’ennemi. Après de nombreuses recherches, un premier modèle de lance-flammes apparaît en 1911, et équipe plusieurs compagnies spécialisées au sein de l’armée allemande. Cependant, l’arme ne peut être utilisée aisément : elle a une portée d’un maximum de 18 mètres, n’est pas portative (il faut s’installer depuis une position pour tirer sur une autre), et ne peut donc être utilisée que lorsque les défenses des deux camps sont distantes de moins de 18 mètres. Ce qui n’est pas si courant tout le long du front ! Et lorsque c’est le cas, il ne s’agit souvent que de postes avancés pour guetteurs qui ne justifient pas l’installation d’une arme aussi complexe.
Les Allemands finissent par repérer une opportunité de se servir de l’appareil de manière efficace au bois de Malancourt en Argonne, et activent le dispositif le 27 février 1915.
L’effet est immédiat : le liquide incendiaire se répand dans les tranchées de première ligne et tue ou brûle grièvement tous ceux qui les occupent et oblige les autres à quitter leurs abris et fuir. Pour les Français, c’est l’horreur : démoralisés et choqués par les blessures de leurs camarades, les soldats craignent cette arme « nouvelle » dont toute la presse se met à parler. Pour les Allemands, c’est un franc-succès : ils se mettent donc à développer le concept pour en créer un modèle portatif capable d’ouvrir la voie dans les tranchées pour des troupes montant à l’assaut. Anglais et Français tenteront à leur tour de mettre un équivalent au point, mais abandonneront vite, aussi bien puisque l’appareil n’est pas pour eux une priorité, mais aussi suite à des accidents qui les dissuaderont d’utiliser du feu liquide au combat… dont nous reparlerons.