Le Bouvet a sombré bien avant que son équipage ne puisse évacuer.
C’est un « jeune vieux » navire lorsque la Première Guerre mondiale éclate. Comprendre qu’il est encore jeune car il n’a que 16 ans. Mais qu’il est déjà vieux dans sa conception puisque d’autres navires plus modernes lui font de l’ombre. Mais il a surtout un défaut important : s’il est relativement bien protégé au-dessus de la ligne de flottaison pour encaisser des coups de canon, il l’est beaucoup moins sous la ligne de flottaison. Pire encore, son compartimentage est mal réalisé, et rend le navire « chavirable » en cas de voie d’eau. Ce qui causa sa fin.

Le Bouvet est à l’origine affecté à diverses missions peu exposées en Méditerranée. Il transporte, escorte, surveille… avant de rejoindre la flotte qui part pour les Dardanelles en 1915, l’objectif étant de faire tomber les défenses du détroit pour ouvrir la voie jusqu’à Constantinople et frapper les Turcs en plein cœur. Les navires de la flotte croisent donc le long des côtes ennemies et bombardent les forts, qui répliquent en retour.
Le 18 mars 1915 à 11h50, l’escadre s’engage sérieusement dans le détroit, et quatre navire Français sont à l’attaque. Le Gaulois et le Charlemagne donnent l’attaque sur la côte européenne, alors que le Suffren et le Bouvet bombardent la côte orientale. Mais les Turcs opposent une résistance farouche : le Suffren encaisse tant de coups que le Bouvet est porté en avant pour prendre sa place. En moins d’une dizaine de minutes, plusieurs de ses tourelles sont mises hors service, et deux incendies se déclarent à bord. Le Suffren doit aussitôt reprendre la place du Bouvet, mais devant la résistance des forts Turcs, l’amiral Guépratte commande aux navires français de se replier pour laisser la place aux bâtiments de l’escadre britannique. Alors que le Bouvet est en train de se replier, à 13h58, il est cependant secoué par une terrible explosion : il vient de percuter une mine turque.
Un trou béant sous la ligne de flottaison provoque une terrible voie d’eau qui remplit les compartiments mal agencés très rapidement. Les machines sont noyées presque sur le coup, et le navire se met à chavirer, victime tant de la mine que de ses défauts de conception.
En 55 secondes, le Bouvet a disparu sous les eaux de la Méditerranée.

Une vedette du navire anglais HMS Prince George se porte aussitôt au secours des marins qui tentent de s’échapper, toujours sous le feu de l’artillerie turque. Les Anglais penseront d’abord que le Bouvet a été frappé d’un coup de canon ennemi, et plusieurs de leurs navires seront à leur tour coulés par les mines turques.
Suite à ces événements, la presse française glorifiera le Bouvet, dont le commandant Rageot de la Touche a choisi de couler avec son navire. Mais les Alliés doivent eux admettre que l’opération est un échec : ils ont perdu plusieurs bâtiments en une seule journée, sans parvenir à faire taire les défenses du détroit des Dardanelles. Ce qui les conduira à prendre une autre décision lourde de conséquences : préparer un débarquement pour s’emparer des positions turques par voie de terre puisque la mer a échoué.

Seuls 64 hommes, dont 5 officiers, seront sauvés lors du naufrage.
Plus de 600 autres sont toujours à bord de l’épave.