Le naufrage du RMS Lusitania a déchaîné près d’un siècle de passions.
Mais partons du début. Dès son lancement en 1906, ce transatlantique fait beaucoup parler de lui. En effet, la concurrence entre les géants des mers est rude, et il entre dans la compétition comme le plus grand et le plus rapide des paquebots du monde. Il dispose des équipements les plus modernes, d’un agencement intérieur bien pensé, et d’un luxe pour les premières classes qu’il est difficile d’ignorer. En un mot, le Lusitania est le fleuron de sa compagnie, la Cunard Line.

Pourtant, il est déjà envisagé qu’il serve à autre chose qu’au transport de passagers, et dès 1913, alors que l’idée d’un conflit avec l’Allemagne continue à progresser, il est envoyé en cale sèche pour voir sa coque renforcée et des emplacements de tir discrets être installés à bord. Les canons ne sont pas montés, mais l’idée est que ce soit le cas plus tard pour qu’en cas d’attaque, le navire soit à même de se défendre. Ce qui n’aura aucune utilité contre un sous-marin en plongée, menace à peine envisagée par l’amirauté britannique qui à cette époque, ne croit pas en cette arme.
Avec la déclaration de guerre, le Lusitania devient un « croiseur auxiliaire ». Comprendre qu’il peut être affecté à des missions de guerre, comme par exemple, le transport de troupes. Cependant, il est choisi de garder cette option secrète et de laisser le Lusitania poursuivre ses traversées transatlantiques en tant que navire civil (et en profiter pour faire transiter des munitions discrètement depuis les Etats-Unis). Si dans un premier temps, il est question de s’assurer que le navire est correctement protégé des attaques ennemies, l’évolution de la guerre pousse l’amirauté à l’imprudence. Après tout, la flotte britannique ne tient-elle pas à bonne distance les navires allemands ? Et un sous-marin pourrait-il se glisser sans être repéré jusqu’à l’Atlantique ?
Le Lusitania assurant la liaison entre l’Amérique et l’Angleterre, de nombreux américains l’utilisaient. Raison pour laquelle, dans un climat où l’Allemagne voulait à tout prix éviter un incident diplomatique, l’ambassade d’Allemagne fit publier dans de nombreux journaux cette annonce avertissant les passagers des risques qu’il y avait à monter à bord d’un navire sous pavillon britannique se rendant en zone de guerre.

Le Lusitania quitte New York le 1er mai 1915, à destination de Liverpool. Il n’arrivera jamais à destination, car le 7 mai, il est repéré au large de l’Irlande par le sous-marin allemand U-20, qui a déjà tiré une partie de ses torpilles sur d’autres cibles, et n’envoie qu’une torpille de plus faible puissance sur le navire. À la grande surprise du capitaine du U-boot lui-même, la première explosion qui touche la proue par tribord est suivie d’une seconde, bien plus puissante. Lui-même ignore ce qui l’a causée : une chaudière ? Ou bien des munitions ?
À bord se trouvent 1 962 personnes, équipage inclus. Durant les 18 minutes que va durer le naufrage, nombreux tentent l’impossible. Parmi ceux-ci, des noms connus. L’infirmière belge Marie Depage tente de soigner les blessés et d’aider à l’évacuation. Alfred Vanderbilt, alors l’un des hommes les plus riches du monde, aidé de Charles Frohman, directeur de théâtre et producteur à succès, tentent tous deux d’aller attacher des gilets de sauvetages aux berceaux de la crèche du bord. Si les deux américains y parviennent et permettent aux berceaux de flotter, leur tentative s’avère un échec, car le tourbillon créé par le navire en coulant emporte avec lui les enfants ainsi que les deux hommes qui avaient tenté de les sauver.
Walter Schwieger, commandant du U-20, suit toute la scène au travers de son périscope. Il constate lui-même la panique à bord, et aperçoit les canots de sauvetage surchargés qui descendus sans précaution, basculent par la proue ou la poupe et coulent à pic. Sur les 1 962 passagers, 1 191 trouvent la mort, que ce soit par noyade ou hypothermie. Des navires Irlandais se précipitent au secours des naufragés sitôt les premiers messages de détresse reçus et permettent de limiter les pertes déjà catastrophiques. Le navire britannique de guerre HMS Juno, sitôt averti, part lui aussi porter secours aux naufragés, avant de faire demi-tour. Le Juno aurait dû être chargé de protéger le navire, mais avait été retiré de la zone deux jours plus tôt. L’ordre de faire demi-tour, alors qu’il n’était qu’à une heure du site du naufrage, est sujet à débats. On suppose qu’il s’agissait d’une consigne pour éviter qu’il ne soit lui-même coulé par le sous-marin si celui-ci était encore sur place, même si certains ajoutent cet élément à la théorie selon laquelle le Lusitania aurait été délibérément mis en danger pour favoriser un incident diplomatique entre l’Allemagne et les Etats-Unis.

Le naufrage provoqua la colère des Américains, qui venaient de perdre 128 des leurs dans un acte de guerre. L’opinion publique, déjà résolument du côté des alliés, n’en fut que renforcée. Les Allemands accusèrent le Lusitania d’avoir transporté des munitions, donnant une raison légitime au fait de le couler, et reportant ainsi la faute sur les Britanniques. Qui eux, nièrent toujours, jusqu’en 1982, où ils avertirent d’éventuels explorateurs de l’épave que celle-ci contenait toujours des munitions potentiellement dangereuses.
Il y eut bien d’autres conséquences dans la diplomatie, les services secrets, et qui rendirent l’enquête sur le naufrage si complexe et pleine de zones d’ombres qui demeurent encore pour certaines aujourd’hui.
Mais cela, nos personnages n’ont pas fini de le découvrir !
L’épave du Lusitania repose toujours par 93 mètres de fond, dans une zone battue par de violents courants. Elle a été largement détériorée par ceux-ci, comme par les activités humaines, et est bien moins conservée que son cousin le plus célèbre, le Titanic.