Le Scottish Women’s Hospitals est une histoire féministe méconnue.
Pour la comprendre, il faut retourner en 1914. Car au lancement des hostilités, et dans tous les pays engagés, nombreux sont ceux à vouloir participer à la guerre à leur manière. Elsie Maud Inglis, fondatrice du Scottish Women’s Suffrage Federation, qui combat comme son nom l’indique pour le droit de vote des femmes, voudrait elle aussi soutenir son pays dans ce conflit. Mais les femmes ne pouvant s’engager, et étant écartées de la plupart des postes, que faire ? Elle propose la création d’unités médicales féminines pour porter secours aux blessés. Son idée trouve bien vite un certain écho, et soutenue par la National Union of Women’s Suffrage Societies, ainsi que la Croix Rouge américaine, elle obtient en l’espace d’un mois des fonds particulièrement importants pour concrétiser son idée.

Sauf que lorsque Elsie Maud Inglis propose son aide à l’armée britannique, celle-ci n’est pas très heureuse de voir arriver une suffragette qui ose prétendre que l’on pourrait avoir besoin d’elle ! Il lui est donc proposé de « go home and sit still » (comprendre, rentrer chez elle et y rester, la place d’une femme pour ses interlocuteurs) !
Mais Elsie Inglis ne se laisse pas décourager, et si son propre pays ne veut pas d’elle, elle ira proposer son aide à ses alliés. Les Français, les Belges et les Serbes les accueillent à bras ouverts.
Les hôpitaux bénévoles des écossaises apparaissent donc à l’arrière des lignes, et accueillent les blessés avec leurs équipes entièrement féminines. Des conductrices d’ambulances qui ramènent les soldats vers les sites de soins en passant par le personnel administratif et jusqu’aux infirmières, bien sûr, ce ne sont que des féministes écossaises (bientôt rejointes par des volontaires venues d’ailleurs) qui assurent l’ensemble des rôles nécessaires au fonctionnement de ces hôpitaux. Ces derniers se multiplient avec la guerre : à Calais, tout d’abord, puis dans l’abbaye de Royaumont, à Troyes sur le site de Chanteloup, et à Villers-Cotterets. L’organisation ouvre aussi des cantines dans les villes proches du front pour participer au ravitaillement.
Sur certaines zones, comme en Serbie, les Écossaises partagent le sort des armées : malnutrition, épidémies, retraite, captivité… leur présence est aussi bienvenue qu’admirée.
Ces hôpitaux accompagnent les armées jusqu’à la fin de la guerre, où ils transmettent leurs patients aux autorités des pays où ils sont installés. Certaines volontaires choisissent de ne pas rentrer au pays, et de rester sur place pour aider les populations des régions dévastées par le conflit. En tout, plus d’un millier de femmes ont participé aux Scottish Women’s Hospital. Qu’importe leurs origines, elles étaient les bienvenues pour soutenir tant l’effort de guerre que la cause des femmes. Et elles participèrent à sauver plusieurs centaines de milliers d’hommes.

Elsie Maud Inglis ne vit pas la fin de la guerre : prise en 1917 dans les tourments de la révolution en Russie où le Scottish Women’s Hospitals avait installé l’une de ses antennes, elle quitta le pays avec son équipe et parvint à rentrer en Grande-Bretagne malgré les sous-marins qui surveillaient les côtes. Elle mourut le lendemain de son arrivée d’un cancer qui la rongeait depuis longtemps, et contre lequel elle se battait tout en continuant à tenir son poste.
Pour conclure, la parole est à un officiel serbe, qui vit un jour leur travail et déclara :
« Il n’est pas étonnant que l’Angleterre soit un grand pays si toutes les femmes y sont comme cela.«